Ant. Ps. 43, 26.Exsúrge, Dómine, ádiuva nos : et líbera nos propter nomen tuum.
Ps. ibid., 26.Deus, áuribus nostris audívimus : patres nostri annuntiavérunt nobis.
V/.Glória Patri.
Levez-Vous, ô Seigneur, pitié, secourez-nous !
– Pour vos nombreux péchés Je vous mis à genoux ;
Infidèles, pourquoi, pourquoi vous secourrais-je ?
Hélas, vers impuissants, nous ne valons rien, non,
Mais Vous, rappelez-Vous Votre adorable nom !
– En Mon nom, votre peine, aujourd’hui Je l’abrège.
Mon oreille entendit Vos bienfaits éclatants,
Ma langue Vous supplie et mon cœur Vous attend.
– Présomptueux ! Pourquoi descendrais-Je du Ciel ?
Je le tiens de mon père à qui ce fut promis.
– Et Je ne l’oublie point : qui M’est vraiment ami
Me trouvera toujours un protecteur fidèle.
Du Livre de saint Jérôme, Prêtre : Des écrivains ecclésiastiques.
Sixième leçon. Cyprien, africain d’origine, enseigna d’abord la rhétorique avec beaucoup d’éclat. Puis, s’étant fait chrétien, à la persuasion de Cécilius, dont il choisit le nom pour l’ajouter au sien, il donna aux pauvres toute sa fortune. Peu de temps après, il fut élevé au sacerdoce, et enfin nommé Évêque de Carthage. Il serait superflu de parler de son génie, puisque ses œuvres sont plus brillantes que le soleil. Il endura le martyre sous le règne de Valérien et de Gallien, dans la huitième persécution, le même jour que Corneille souffrit à Rome, mais non la même année.
Que valent les beautés de l’art de l’orateur
Si l’on ne les fait pas esclaves du Seigneur ?
C’est ainsi que, savant en cet art, Cyprien
Aux pauvres indigents abandonna ses biens,
Et reçut sans tarder l’eau pure du Baptême.
Le voici prêtre, évêque, et de ce Dieu Qu’il aime,
Il répand plein d’ardeur la doctrine sacrée,
Prononce des discours aussi saints qu’admirés,
Et donne aux rudes mots qui cachent des merveilles1
La splendeur et l’éclat des rayons du soleil.
Mais ce n’est rien encor que d’être un écrivain
Qui parle sagement des mystères divins :
Quand les persécutions secouèrent l’empire,
Dieu remit à Son saint la palme du martyre.
1 Du temps de saint Cyprien, la Bible paraissait aux oreilles latines et grecques quelque peu barbare, stylistiquement parlant. Les canons stylistiques hébraïques n’étant pas du tout les mêmes que ceux des Gréco-Romains, le texte biblique avait pour ces lettrés habitués à la rhétorique cicéronienne quelque chose de déplaisant. Les païens ne manquaient pas de se moquer de la pauvreté (à leurs yeux aveugles) du texte biblique, mais les chrétiens cultivés étaient, de leur côté, gênés. Les Pères latins n’ont pas manqué de répondre aux attaques par des arguments divers et parfois contradictoires, mais non sans intérêt.
De la commémoraison de saint Christophe aux Laudes :
Ant. Qui odit ánimam suam in hoc mundo, in vitam ætérnam custódit eam.
V/. Iustus ut palma florébit.
R/. Sicut cedrus Líbani multiplicábitur.
Oratio
Præsta, quǽsumus, omnípotens Deus : ut, qui beáti Christóphori Mártyris tui natalíta cólimus, intercessióne eius in tui nóminis amóre roborémur. Per Dóminum.
Pour l’homme, l’univers a de profonds attraits ;
Mais celui qui, tenté, malgré tout s’y soustrait,
Soustrait aussi son cœur aux éternelles flammes,
Et pour l’éternité conservera son âme.
Dans la prairie du monde, on voit pousser l’impie,
Herbe jaune et foulée, chiendent tout décrépit ;
Mais le juste à côté ressemble à l’arbre immense,
Vert de sève et de vie, qui vers les Cieux s’élance.
Grâce à l’intercession, ô Maître Tout Puissant,
De Votre saint martyr dont nous fêtons le sang,
Taillez-nous, ô Seigneur, dans cette même étoffe
D’où Vous avez tiré le bienheureux Christophe.
Accordez-nous, Seigneur, nous Vous en supplions,
Nous qui sous le fardeau bien trop souvent plions,
A nous, faibles esprits, accordez d’être forts
Comme Votre porteur, le très-saint Christophore.
Ad Magnificat Ant. Múlier * quæ erat in civitáte peccátrix, ut cognóvit quod Iesus accúbuit in domo Simónis leprósi, áttulit alabástrum unguénti, et stans retro secus pedes Iesu, lácrimis cœpit rigáre pedes eius, et capíllis cápitis sui tergébat, et osculabátur pedes eius, et unguénto ungébat.
Paraphrase de l’antienne du Magnificat (aux premières vêpres, avant 1955).
Une infâme pécheresse
Qui vendait son corps si beau
Contre quelques pauvres pièces
Aux plus répugnants ribauds,
Apprenant que le Seigneur
Dans sa ville était venu,
Sur Ses pieds verse des pleurs,
Et des sanglots continus.
Elle qui vendait ses charmes,
L’infecte prostituée,
Baigne le sol de ses larmes
Sous des yeux éberlués.
Elle apporte un vase immense,
Et baigne les pieds divins
Sans limite, en abondance,
Du plus suave parfum.
Une fois le flacon vide,
Avec ses propres cheveux
Elle essuie la peau splendide
Et les pieds du Fils de Dieu.
Ainsi le Dieu qui Se donne,
A la femme qui se vend,
Ne diffère point, pardonne
A celle qui se repent.
Il n’était pas possible d’achever ce Carême sans une adaptation du Vexilla Regis de saint Venance Fortunat, dont le vers le plus remarquable donne le titre de ce blogue. J’aurais voulu me tenir au plus près de ce texte admirable en employant la même métrique ; malheureusement, le manque de temps et la moindre concision de notre langue ne me l’a pas permis.
Note sur le texte : il existe plusieurs versions du Vexilla Regis ; je me suis fondé non sur le texte original, mais sur le texte liturgique, qui compte moins de strophes et quelques modifications notables.
Vexilla Regis prodeunt:
fulget Crucis mysterium,
qua vita mortem pertulit,
et morte vitam protulit.
Quae, vulnerata lanceae,
mucrone, diro, criminum
ut nos laveret sordibus,
manavit unda et sanguine.
Impleta sunt quae concinit
David fideli carmine,
dicendo nationibus:
regnavit a ligno Deus.
Arbor decora et fulgida,
ornata Regis purpura,
electa digno stipite
tam sancta membra tangere.
Beata, cuius brachiis
pretium pependit saeculi:
statera facta corporis,
praedam tulitque tartari.
O Crux ave, spes unica !
hoc Passionis tempore,
piis adauge gratiam,
reisque dele crimina.
Te, fons salutis Trinitas,
collaudet omnis spiritus:
quibus Crucis victoriam
largiris, adde praemium. Amen.
Voyez venir vers nous les étendards du Roy,
Et voyez resplendir la mystérieuse Croix :
C’est la Vie qui du bois est tombée dans la mort,
Et c’est de cette mort qu’à jamais la vie sort.
Percé par une lance en un dernier assaut,
Du côté du Seigneur un rouge et blanc ruisseau,
Ru pur et plein d’amour qui coule sur le monde
Qui lave nos péchés et nos fautes immondes.
Ce qui jusqu’à ce jour demeurait imprécis,
Et sous le voile saint d’antiques prophéties,
Ce que David chanta devint clair à cette heure :
« Sur un trône de bois règnera le Seigneur. »
Oh, quel arbre sans prix, quel arbre merveilleux,
Revêtu de la pourpre, et de celle de Dieu !
Lui qu’on a jugé digne entre toutes les souches
Qu’il serve cet Agneau, qu’il le porte et le touche !
Ô bienheureuse Croix dont les immenses bras
Ont porté ce que l’homme a fait, fait et fera,
Ô Croix, toi qui soutins la très sainte Victime
Qui ravit l’homme au diable et racheta nos crimes.
Ô Croix, seule espérance, ô Croix, je te salue !
Ô Croix, source de vie, servante du Salut,
En ces temps douloureux, fais croître en nous la grâce,
Et de la moindre faute, efface toute trace.
Fontaine de Salut, ô Sainte Trinité,
Que tout être Vous loue sans jamais s’arrêter ;
Vous nous avez donné par la Croix la victoire :
Accordez nous son fruit, donnez-nous de Vous voir.
En faisant quelques recherches sur ce poème, j’ai découvert que Dom Guéranger le note comme l’hymne chantée habituellement au Vêpres du dimanche de la Passion. Heureuse coïncidence ! Voici donc une hymne de saint Venance Fortunat, moins connue que le Vexilla Regis, mais non moins intéressante, consacrée au saint arbre de la Croix.
Crux benedicta nitet, Dominus qua carne pependit,
Atque cruore suo vulnera nostra lavit ;
Mitis amore pio pro nobis victima factus,
Traxit ab ore lupi qua sacer agnus oves ;
Transfixis palmis ubi mundum a clade redemit,
Atque suo clausit funere mortis iter.
Hic manus illa fuit clavis confixa cruentis,
Quae eripuit Paulum crimine, morte Petrum.
Fertilitate potens, O dulce et nobile lignum,
Quando tuis ramis tam nova poma geris ;
Cuius odore novo defuncta cadavera surgunt,
Et redeunt vitae qui caruere die ;
Nullum uret aestus sub frondibus arboris huius,
Luna nec in nocte, sol neque meridie.
Tu plantata micas, secus est ubi cursus aquarum,
Spargis et ornatas flore recente comas.
Appensa est vitis inter tua brachia, de qua
Dulcia sanguine vina rubore fluunt.
Croix sainte, Croix bénie, ô Croix, comme tu brilles,
Toi qui de Dieu portas la Chair, sainte guenille,
Toi sur qui ruissela ce Sang qui nous lava,
Toi sur qui le Seigneur, prostré, nous releva.
Par quel profond amour s’offrit-Il en victime
Pour sauver l’enfant d’Ève et racheter ses crimes !
Voici : l’Agneau divin et transpercé de clous
Arrache les brebis à la gueule du loup.
Accroché sur le bois, Il libère le monde
Qui tombait dans le gouffre où Son absence gronde,
Et trépassant pour nous, il referme le pas
Du trépas, afin que l’homme n’y passe pas.
Voyez l’illustre main, cette main innocente,
Cette main transpercée d’une pointe sanglante :
Voyez-la tirer Paul des fureurs meurtrières,
Voyez-la de la mort tirer vers elle Pierre.
Arbre sec, mais fécond, ô doux et noble bois
Qui dans l’obscurité pour les hommes flamboie,
Je loue sans me lasser tes grands et lourds rameaux
Qui portent le seul fruit qui guérit tous nos maux.
Tu répands ton parfum, et sur toute la terre
Les cadavres puants sortent du cimetière ;
Eux qui, raides, gisaient dans l’ombre de la nuit,
Ils vivent de nouveau quand tu les éblouis.
Oh, quel astre pourrait avoir assez de flammes
Pour calciner celui qui aura mis son âme
Sous cette frondaison, cette fraîche ramée
Qu’a tressée ce Seigneur qui nous a tant aimés ?
Arbre du seul salut, ô Croix universelle,
Arbre pur et sacré qui sans cesse étincelles,
Ta chevelure d’or se répand en tous lieux
Et verse mille fleurs qui fleurent le bon Dieu.
Le fruit neuf de la vie pend à tes longues branches,
Fruit si gros et si lourd qu’elles tremblent et penchent ;
Venez boire le vin, ce rouge et riche vin
Qui s’écoule, ce sang d’un Dieu qui pour nous vint.
On chante aux Vêpres, tout au long du Carême, une hymne de saint Grégoire le Grand dont je vous propose ici une adaptation en vers français. J’en profite pour vous annoncer qu’à partir de cette semaine, et ce jusque vers début juillet, pour des raisons personnelles, je ne pourrai pas tenir le blogue quotidiennement. La parution sera désormais hebdomadaire jusqu’à cette date. Je me confie également à vos prières : si vous pouviez dire un Ave Maria pour moi, j’en serais déjà très heureux. Merci d’avance.
Audi benigne Conditor,
nostras preces cum fletibus,
sacrata in abstinentia
fusas quadragenaria.
Scrutator alme cordium,
infirma tu scis virium;
ad te reversis exhibe
remissionis gratiam.
Multum quidem peccavimus,
sed parce confitentibus,
tuique laude nominis
confer medelam languidis.
Sic corpus extra conteri
dona per abstinentiam,
ieiunet ut mens sobria
a labe prorsus criminum.
Praesta, beata Trinitas,
concede, simplex Unitas,
ut fructuosa sint tuis
haec parcitatis munera. Amen.
Ô Créateur plein de bonté,
Voyez Vos enfants sangloter
Et, dans le jeûne du Carême,
Implorer leur Juge suprême.
Doux érudit du cœur humain,
Vous le savez faible en chemin ;
Malgré son manque de mérite,
Pardonnez à l’âme contrite.
Nous avons péché contre Vous,
Mais à tout homme qui l’avoue,
Veuillez remettre en Votre honneur
Le médicament salvateur.
Si brisé par la privation,
Notre corps fait sa soumission,
Qu’à son tour se prive notre âme
De la faute et de Votre blâme.
Veuillez, très sainte Trinité,
Daignez, seule Divinité,
Donner des fruits perpétuels
Pour le jeûne de Vos fidèles.
Amen.