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L’ombre avait recouvert les flancs de la montagne,
Et le pauvre troupeau d’agneaux et de brebis
Tremblant de voir le ciel ténébreux et subit,
Allait se dispersant : quelques uns dans la fagne,
D’autres vers la vallée, ou au fond d’un ravin,
Certains dans la forêt, sous l’obscure ramure
S’offraient au loup, à l’ours, à la dent la plus dure,
Et qui pourra nous dire, alors, ce qu’il advint ?
Or, les bergers, plongés dans l’ombre, la plupart,
Se querellaient, guidaient un morceau de troupeau,
Et chacun dans son sens voulait un bout de peau,
Chacun suivait sa voie et réclamait sa part.
Il en fut un, pourtant, qui voyait beaucoup mieux,
Et dont l’obscurité se tenait à distance ;
Il élève un autel, et rempli d’espérance,
Il fait cette prière en élevant les yeux :
« Daignez jeter Votre œil sur cette alme victime,
Et exaucer celui qui se penche à Vos pieds ;
Reformez le troupeau et, rempli de pitié,
Conduisez Vos pasteurs le plus loin de l’abîme. »